Retour à la frontière

Lorsque je débarque à Addis Ababa, je ne suis pas franchement enthousiaste. Pour être honnête j'ai même peur. Mes dernières lectures et en particulier le Lonely Planet concernant l'Ethiopie m'ont mises en garde contre un pays auquel rien ne prépare et le récit culte des Poussins, Africa Trek, conseille de s'en remettre à une agence de voyage locale afin d'éviter la violence et le racisme dont ils ont été les cibles lors de leur passage. Encourageant...

 

Le voyage d'Addis Ababa jusqu'à Moyale, ville frontière entre le Kenya et l'Ethiopie se passe bien, très bien même. Le petit déjeuner est offert dans le bus, les gens me regardent curieusement et m'offrent des chewing-gums. Le paysage est extrêmement vert, il pleut et les enfants que j'apperçois courrent pied nus dans les ruisseaux insalubres qui bordent les routes. Tout les passagers du bus mâchent de la miraa et effectuent donc le trajet dans un état second, chauffeur compris.

 

J'arrive à Moyale après une journée et demi de voyage et une nuit dans un hôtel des plus sordide et reprend donc la piste là où je l'avait laissé quelques jours pus tôt, devant les batiments de l'immigration éthiopienne. Le voyage vers le nord peut reprendre !

C'est vraiment un pays de fous, et le cul de la chèvre est tout bleu !!

Difficile de résumer le trajet retour Moyale-Addis en quelques lignes. Je vais donc jetter ici les grands moments. Plus de siège disponible. 14h assis sur mon oreiller gonflable. Clandestin à mes côtés qui se cache lors des contrôles. Enfants crasseux à tous les arrêts. Humidité et boues omniprésentes. Pneus lisses et trajectoires hasardeuses du bus. Rats dans les murs des restaurants. Thés brûlants. Croix orthodoxes partout. Flics suspicieux. Enfants maltraités au courage extrême. Chèvre qui s'est roulée dans de la peinture bleue. Serveur me proposant les services d'une prostituée en guise de digestif. Foule vibrante d'énergie qui ressemble à une fourmillère en marche. Pays sous-développé, bruyant, impitoyable et sale. Enfance inexistante et vies de labeur...

 

Mais la joie de vivre des gens est intacte et je sens que chaque moment de bonheur arraché à cette vie est savouré, partagé et fêté jusqu'à la dernière goutte comme un breuvage délicieux qui malgré sa rareté permettrait à ces hommes, ces femmes et ces enfants de tenir le coup, de se battre encore, de ne pas abandonner.

Violence et foi

Je passe une nuit à Addis Abab d'où je contacte mes parents pour leur demander un service de taille. Ayant déjà le visa soudanais d'apposé sur mon passeport, je compte bien m'y rendre et le traverser. Cependant, je rencontre des difficultés financières. En effet, s'il m'avait toujours été possible de retirer de l'argent liquide avec ma carte banquaire internationale, il n'existe pas de distributeur VISA au Soudan. Plus largement, il n'existe pas de distributeurs acceptant les cates étrangères. Ne pouvant pas ouvrir de compte bancaire là-bas sans visa de travail, je dois me faire envoyer de l'argent pas mandat. La réserve de dollars que je concerve cachée sur moi en liquide devrait seulement me permettre d'atteindre Khartoum, la capitale.Une fois les aspects logistiques réglés et après une bonne nuit de sommeil, je rejoins la carte routière toute proche et pars en direction du nord et des mythiques églises monolithiques de Lalibela.

 

Les passagers qui m'accompagnent sont tous très aimables, et je commences à me dire que les recommandations d'extrême prudence délivrées ici et là à propos de l'Ethiopie sont exagérées. Certes tout n'est pas rose, loin de là, mais je n'ai croisé aucune horde d'enfants mendiants, réputés pour leur agressivité, ni subit la moindre forme de rejet ou de racisme jusqu'à présent.C'est alors qu'un incident violent se produit et me rappelle à la prudence.

 

Alors que la pause repas de midi se termine, et que la quasi totalité des passagers est remontée dans le bus, une courte et brève bagarre explose entre l'un des membres de l'équipage du bus et un homme du village où nous avons marqué une pause. Les coups pleuvent dans les deux sens avec une rare intensité. En un instant la foule à l'extérieur du bus forme un cercle et tous les passagers se sont levés de leur siège pour assister à la scène. Tout aussi soudainement, deux passagers descendent du bus par la porte arrière et tirent à l'intérieur le membre de l'équipage, refermant derrière eux la porte. L'homme est à peut prêt indemne, mais son opposant et assis dans la poussière, le visage et le nez ansanglantés. Le chauffeur démarre alors, et l'incident semble clos. Mais alors que le bus recule prudemment entre les étals du marché pour regagner la route principale, je vois apparaître le blessé sur ma gauche, entre deux tas de paniers. Il se penche rapidement vers le sol et se relève armé d'une pierre de la taille d'une brique de lait. Avant que j'ai le tenter de formuler le moindre mot, il lance son projectile à la tête du chauffeur, faisant voler la vitre en éclat et arrosant les passagers de verre brisé.

 

FOu de rage le chauffeur saute à terre et se rue vers le fautif, que la foule entoure déjà. Je vrains d'assister à un lynchage. Un homme saisi le coupable par le col et l'entraîne au milieu de la foule, suivi de très prêt par le chauffeur et son équipage. De nombreux passagers descendent du bus et se joignent à la foule. La place se vide alors que l'homme est emmené à l'écart. Je ne suis pas desendu. L'idée d'assister à son chatiment, quel qu'il soit, ne me réjouit pas. Les quelques questions que je pose aux passagers restants restent sans réelles réponses. On me dit que tout va bien, que je ne crains rien. Super...

 

Le bus repartira une heure plus tard et après une nuit passée dans un hôtel des plus délabré qu'il m'ait été donné de voir, j'atteindrai Lalibela et ses 11 églises monolithiques. Il semble que la population ne respecte pas la parole de celui en qui ils croient avec une ferveur pourtant supérieure à celle que l'on rencontre en Europe. TIA